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 17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan

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Kan
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Kan


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MessageSujet: 17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan   17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan Icon_minitimeMer 17 Juin - 2:51

Le soleil avait fuit.
Il pouvait sentir ses rayons sur sa peau, mais ils ne suffisaient plus à lui réchauffer le cœur. C’était donc ça aussi, l’amour... du moins quand la main qu’on voudrait tenir est au loin, quand on sait qu’aucun regard ne répondra à nos sourires. Tout désir lui échappait, il ne voulais qu’une chose: que le lent écoulement du temps cesse de résonner dans ses pensées, Souhaitant disparaître totalement jusqu’à son retour, elle qu’il avait quitté la veille, il ne sentait plus à présent son appartenance à ce monde...
Et puis cette morosité qui l’envahissait depuis quelques temps, il perdait son sourire, n’avait plus envie de railler les bouffons qu’il croisait à St Aignan, se forçait à rire des pitreries des saltimbanques nouvellement arrivés. Il perdait son cynisme, perdait le goût aigre de la vie qui le poussait habituellement en avant... Pas forcément un mal, se disait-il, même la marque d’une certaine sérénité. Mais il devenait taciturne et les changements qui s’opéraient en lui l’effrayaient quelque peu.
Il quitta l’auberge et se dirigea, sans un regard pour les passants, vers une taverne qu’il savait animée à cette heure de l’après-midi. Sans conviction il en poussa la porte, sourit aux gens présents et s’installa près de la fenêtre, se perdant déjà dans ses pensées, le regard tourné vers la rue; comme s’il s’attendait à tout moment à voir passer Jusoor : il guettait sans écouter les conversations. Une dame le salua:

“Comment va, Kan ?”

“Kan”, il frissonna, une soudaine envie de se lever pour lui faire bouffer ses paroles. De quel droit usait-elle de ce nom? Il se tourna vers elle, essayant autant que possible d’adoucir son regard, serrant les dents. Une réponse sortit de sa bouche, probablement suffisamment cordiale, puisqu’elle lui sourit.
Pourquoi être venu ici? Il n’avait aucune envie de parler, faire des politesses ni demander des nouvelles aux voyageurs. A moins que l’un d’entre eux n’ai croisé Ju en route, il se moquait de leurs histoires. Il délia sa bourse et offrit à boire à l’assemblée. Il leva sa chope, sourit par habitude, reçu remerciements, et se rassit en espérant qu’au moins, le temps de boire, ils le laisseraient en paix...

La femme vida sa chope d’un trait. Ah oui! Il se souvenait d’elle, plus de sa descente qui l’avait fait pâlir que de son visage, en fait. Son orgueil le poussa à l’imiter...
Il se tourna vers l’homme assis face à lui, décidant de faire un petit effort de sociabilité, se présenta en lui tendant la main :
“Kannaquetil”

L’homme le regarda comme on regarde le navrant spectacle d’un poivrot pissant sur une porte; Kan sentit un long instant de solitude avant que l’homme ne réponde : “J’sais bien, mon ami... on a discuté toute la nuit et jusqu’au déjeuner.”

Oui, c’est vrai, il s’en souvenait maintenant, se souvenait aussi n’avoir pas bu plus de deux chopes en sa compagnie. Il en était donc là... A quoi bon essayer de faire croire qu’on se soucie des autres quand on est pas capable de reconnaître un type avec qui on a passé les dix dernières heures?
Quelques excuses, échanges de bons mots et de rires forcés, et Kan quitta les lieux avant de se rendre totalement imbuvable ou ridicule.

Il quitta la ville, marchant vers la forêt avec en tête l’idée de retrouver traces des sentiers où ils étaient passés quelques jours plus tôt, venant de Bourges. Il était parcouru d’étranges sensations, de sentiments partagés. Une sombre mélancolie montait de ses entrailles, cependant qu’une pensée éthérée s’insinuait doucement en lui, comme un chant lointain qu’il ne saurait saisir, comme les appels que poussaient parfois le vent ou les vagues, dont il lui semblait comprendre le sens sans en percevoir les mots.
Il se retrouva de nouveau sur la mer, écoutant Sven qui contait sa vie. Des bribes, des anecdotes lui revenaient en mémoire, des fragments de la jeunesse du vieux dont il n’aurait cru avoir souvenir, tant ils étaient insignifiants, tant ils l’avaient ennuyé lorsqu’il était enfant. Le vieux lui contait parfois des soirées où rien ne s’était passé, lui contait la flamme et le silence, le repos ou l’ennui, la contemplation et toutes ces choses dont un gamin ne peut comprendre le sens; aujourd’hui encore il doutait de l’intérêt de la chose. Il s’arrêta sur le chemin qui plongeait vers la forêt, frappé par l’étrangeté de ses réflexions, comme il l’avait été la veille d’un passant et de ses suivants interpellés par la garde et, dans la soirée, d’une alouette qui voletait en cercle autour de l’arbre à mots. Qu’avait-il donc pour être marqué par ces insignifiants détails et ne plus voir les gens qui l’entouraient? Et pourquoi son esprit voulait-il à tout prix lier ces instants?

Kan s’accroupit sur le chemin, posa un doigt sur la terre sablonneuse, y traça instinctivement un signe, raido, rune du chemin, de la quête, du voyage, également signe de retrouvailles, tout ce qui occupait son esprit depuis que Ju était partie. Pourquoi ce geste? Sans doute cherchais-t-il un guide... Il releva la tête en souriant: voilà qu’elle le quittait pour une journée, peut-être quelques-unes, et il se sentait déchiré, au bord du gouffre. Il se força à retrouver le sourire avant que la pitié de lui-même ne le gagne, et s’apprêtait à se relever lorsqu’il entendit le croassement d’un corbeau. Il se tourna vers la forêt, vers l’arbre où était perché l’animal: Une forme noire sur la branche, une autre, grise, au pied de l’arbre.
Il se pencha en avant, s’appuyant sur ses mains, adoptant involontairement la position d’une grenouille prête à bondir, et fixa l’arbre, pour distinguer à son pied un loup qui sortait doucement des fourrés, le regard lancé vers lui.
Un loup? Une meute? si près de la ville? Si près du camp des bûcherons?

L’animal tourna vivement la tête sur son flanc droit, et bondit sur ses pattes, s’élançant vers la cité. Mais Kan n’était pas au bout de ses surprises, car il vit alors chose extraordinaire, en cela que le corbeau volait au-dessus du loup, le précédait même, et finit par plonger vers ce qui semblait être un jeune lapin. L’oiseau, de ses serres, lui déchira les yeux, et le loup bondit sur le pauvre animal pour l’achever d’un coup de dents. Puis ils le partagèrent, le prédateur dévorait la viande et laissait au plumeux les yeux et les os à picorer.
Kan avait du mal à croire ce qu’il voyait: Un loup solitaire chassant de concert avec un corbeau, jamais il n’avait entendu parler d’une telle chose. Il restait accroupi, bouche bée, dans une position dont l’inconfort égalait à grand peine le ridicule, lorsqu’il vit les deux animaux interrompre leur repas pour se saisir de la carcasse et retourner en quelques bonds dans la forêt. Peu après un cavalier arriva au grand galop sur la route, et Kan se releva, gêné, faisant comme si il venait tout juste de retrouver là quelque chose.
Le loup, à la lisière, gueule ensanglanté, se tourna vers lui, le fixant de ses yeux qui, même à cette distance, lui semblaient luire. Le cavalier, lui, passa en trombe sans un regard pour les animaux, ni pour l’homme.

La bête n’avait pas de meute et il avait mangé; Kan s’approcha de la lisière des bois sans craindre d’embuscade, intrigué par le couple. Puis le corbeau, par un cri, appela son comparse, et le loup plongea dans la forêt.
Kan se mit à courir, les suivant aussi vite qu’il le pouvait, mais il eut tôt fait de les perdre, et se trouva seul dans un sous-bois moussu que baignait de rares rayons de soleil traversant la canopée des grands hêtres. Il reprit son souffle et se mit à marcher, l’esprit apaisé par les chants des oiseaux, les bruissements de feuilles qu’il entendait aux alentours, et le vent frais qui caressait son visage. Il venait de pénétrer dans un monde nouveau, fait de sérénité, d’équilibre, d’harmonie. Il laissa ces impressions s’infuser dans ses pensées, et imaginait les promenades qu’ils feraient ici, ou ailleurs, lorsqu’elle reviendrait. Il se laissa aller et ses pieds l’emportèrent profondément dans les bois, si bien qu’au crépuscule il se sentit totalement égaré. Pour autant, il ne voulait pas revenir sur ses pas: Qu’avait-il à faire à St Aignan ? il avait de quoi manger, du pain et un quart de jambon, et trouverait bien au bout du chemin qu’il suivait un hameau d’où il pourrait retrouver une route vers la cité...

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MessageSujet: Re: 17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan   17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan Icon_minitimeMer 17 Juin - 3:04

Cependant que l’obscurité tombait, son imagination travaillait de plus en plus, et il voyait dans les mouvements des ombres des signes, des volutes traçant des formes évoquant en lui de douloureux souvenirs, il voyait dans le dessin des branches sur le sol comme des mains, celles de ses compagnons morts s’agrippant aux racines pour sortir de terre, et marchait sur ce qui lui semblait, de plus en plus, être une mer de cadavres. Puis il vit leurs visages, chacun se dessinait de plus en plus nettement sous l’éclat de la lune naissante et sur l’écorce des chênes qui formaient cette partie de la forêt. Il s’arrêta face à l’un d’entre eux, y reconnaissant Arnulf, qui avait passé tant de temps à l’entraîner aux armes, lui qui avait été un frère même lorsqu’il n’était qu’esclave, et avait fini la tête broyée par un rocher lancé d’un machicoulis. Il s’avança, hypnotisé, jusqu’à l’arbre, et y posa la main, le cœur empli d’amertume.

Alors une voix grondante jaillit de l’obscurité:

“Touche-z-y pas, s’mon arbre !”

Kan, sursautant hors de ses rêveries, vit alors l’homme qui se tenait assis au pied du Chêne voisin. Même les fesses au niveau du sol, il semblait plus grand que lui, portait une barbe noire et de longs cheveux graisseux. Une hache était posée sur ses genoux.
L’homme partit d’un grand rire et Kan, le voyant, finit par sourire à son tour.


“J’plaisante mon gars, enfin pas tant que ça... mais t’y peux t’frotter à lui si ça qu’tu veux!”
L’homme redevint sérieux, et regarda vers lui comme s’il cherchait à voir au travers.
“Juste que pou l’moment j’aimerais y contempler encor’, alors si vous aviez bien l’obligeance d’écarter ta trogne...”
Souriant, le colosse lui fit un geste de la main, indiquant à ses côtés un tas de mousse.

Kan s’y installa alors que l’autre débouchait d’un coup de dents une liqueur dont il but une bonne goulée avant de la lui tendre, et de reprendre la parole :

“A fait six générations qu’il est là, lui... Et d’main je vais le tuer pacqu’mon seigneur veut une charpente, et qu’y en aura pas d’meilleure, et point d’autre assez grande pour sa demeure, alors j’vais y veiller toute la nuit, il dir’ des prières et boire à sa santé”.
Kan l’écoutait, lui rendit le liquide poisseux, souriant aux dires du forestier. Il sentait tant la simplicité de son cœur que l’amour qu’il avait pour sa tâche, et, dieu sait pourquoi, ne sentait pas le besoin de lui répondre. Merveilleuse compréhension puisque l’homme ne semblait pas attendre de lui qu’il le fasse, continuant son discours de sa voix caverneuse.

Il lui conta l’histoire de chacun des arbres qui les entouraient, s’appuyant sur les dires de son père, et de son père avant lui. Kan n’en revenait pas d’entendre tant de choses dites sur si peu, de voir la profonde connaissance de l’homme sur son domaine, et l’intérêt qu’il pouvait éveiller en lui, malgré la simplicité de ses mots, en parlant des racines, des glands ou encore des malheurs de chaque arbre.
Il sortit son jambon, et en coupa quelques copeaux, prenant garde de ne pas interrompre le puits de science paysanne qui s’offrait à lui. Il lui sembla alors qu’en ces lieux, cet homme qui se tenait à ses côtés, était comme un gardien attentif, omniscient, maître absolu du domaine. Il était l’invité d’un grand seigneur, dont l’origine divine du pouvoir en ces terres était incontestable.
Quand la source du verbe se tarit, Le bûcheron lui demanda :
”Mais où c’est qu’vous allez à c’t’heure? C’rare d’y voir gens par le bosquet...”

Kan regarda un instant ses pieds, avant de répondre :
“A dire vrai, j’en sais rien... je suivais le loup au corbeau...”

“Al ?” dit le bûcheron.
Puis, devant le regard perdu de Kan, il ajouta :

“Alfred, le loup qu’est copain du piaf... c’la bête la plus malin du pays enfin... moi j’y appelle Alfred pacq’mon père y appelait Alfred, encore que c’tait sans doute pas l’mêm’ mais p’têt son père à lui, quoiqu’en dise la vieille. Sa tanière l’est pas loin, mais j’vous previens d’y met’ un pied sans offrande, ou son corbeau vous mangera les yeux; on dit qu’y sont qu’un, que le noiraud est son mal où l’gris serait son bien, comme si s’tait fendu en deux comme une vieille bûche. La vieille dis même que c’te serait un sorcier qu’y aurait insulté Christos, et que l’cloué l’aurais puni ainsi... L’dit aussi qu’il aurait sorti al forêt de terre, comme enclos pou’ la bête, et qu’mon très vieux l’est v’nu ici tuer le piaf, inspiré par l’seigneur, l’tuer pour ça qu’y r’vienne et qui l’tue encore, mais qu’y l’aurait jamais eu jusqu’à sa mort, et qu’jusq’à moi ses fils ont rien réussi d’autre que tailler la forêt...moi j’y ai jamais couru après. Al, c’t’un brave bête...”

Kan laissa son compagnon se perdre dans un flot de paroles, ravi d’entendre une légende locale. Quand il eût fini son récit, Kan répondit, souriant :
“J’crois bien que je vais rester là, si ça vous gène pas, vous et Alfred...”

Le bûcheron lui dit :
“Alfred, non, mais faites gaffe au piaf, c’t’une saloperie de bouffeur de charogne, et pour lui charogne elle l’est avant même d’y claquer... et moi, bin... écoutez, vous m’aidez à couper c’t’arbre et moi j’vous laisse les branches...”
Kan haussa les épaules, se demandant ce qu’il pourrait bien faire de toutes ces branches.. Mais, d’un sourire pour l’homme, il accepta.

Puis la bouteille fut vidée, le jambon mangé, et le bûcheron devint soudain taciturne. Les deux hommes se replongèrent dans la contemplation du vieux chêne qui s’élevait bien au-dessus des autres, écoutaient les grincements de ses branches, se laissant bercer par le bruit de ses feuilles dansant sous l’impulsion du vent. Kan regardait les étoiles au-dessus des bras noueux de l’ancien, tendait son esprit vers la lune comme si l’astre avait pu transmettre à Jusoor ses pensées; puis il s’assoupit, voyant, dans un dernier instant de semi-conscience, ses vieux compagnons s’extraire des arbres pour ce mettre en cercle avec lui autour de l’âtre brillant. Le temps de se dire que le feu n’en était pas un, mais rien qu’un homme des bois dont il ne connaissait le nom... et ses yeux se fermèrent.

Il rêva longtemps et bien, le souvenir en était des plus flou, mais il savait à son réveil avoir longuement parlé à l’arbre de Jusoor et de son amour pour elle, beaucoup écouté aussi le vieux chêne qui lui narrait sa longue vie, énumérait ses souvenirs comme autant de parures qu’il avait eu, de toutes les choses qu’il avait puisé de la terre, abrité de ses branches. Ils avaient eu de longs et poignants mots d’adieu, s’étaient promenés ensemble jusqu’à la tanière du loup, afin de le saluer une dernière fois. Puis Kan l’avait raccompagné jusqu’à son père, le colosse à la hache, afin que s’accomplisse le dernier sacrement.

La chaleur de l’après-midi le réveilla, un rayon de soleil lui heurta le visage, et il ouvrit les yeux, reposé comme il l’avait rarement été. Son dos contre le tronc le faisait un peu souffrir, aussi s’allongea-t-il un moment dans la mousse avant de tourner la tête vers le chêne, sourire aux lèvres. Mais le vieil arbre n’était plus qu’une souche et, à ses cotés, une grande grume que le bûcheron finissait d’élaguer.
Kan se redressa d’un bond, alla vers lui en caressant l’écorce de son ami d’un rêve, alors que l’homme en coupait la dernière branche. Le bûcheron s’assit contre le tronc, la hache entre les jambes, et dit :

“V’là qu’y est fait, merci mon ami, tu m’as bien aidé”

Kan arrondit les yeux, se sentant un peu mal à l’aise d’avoir dormi toute la matinée pendant qu’il travaillait. Et pourtant il n’arrivait pas à percevoir de reproches ou même d’ironie dans le ton de l’homme. Ils se regardèrent et Kan eut un frisson en voyant son visage à la lumière du jour, car son œil gauche manquait à son orbite. Le bûcheron dut le voir car, se relevant le sourire aux lèvres, il dit :
“Saleté de piaf, j’vous y ai dit...”

Puis il mis sa hache à l’épaule, et commença à s’éloigner en tendant la main vers les branches. “L’arbre l’est à moi, vous je vous y laisse ses branches... sont tout’vertes mais z’en aurez pas de meilleures de tout’ le forêt. Vous aid’rons. Christos vous garde!”

Kan le salua d’un geste, encore un peu perturbé, et resta un long moment appuyé contre le tronc coupé.
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MessageSujet: Re: 17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan   17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan Icon_minitimeMer 17 Juin - 3:10

En une nuit de discussion, une seule phrase avait dépassé ses lèvres, et il ne s’en sentait que mieux, l’esprit plus clair, l’œil plus affûté. Dans les tavernes il avait parlé de la pluie et du beau temps, et de son bonheur à qui voulais l’entendre, mais ne trouvais que des pucelles en mal d’amour qui le regardaient la larme à l’œil, faisant l’éloge niaise de sentiments qu’elles ne comprenaient pas et voulaient le rassurer alors qu’il n’en avait nul besoin. Nul ne comprenait que son amertume ne venait pas du malheur, et qu’elle ne lui était pas le moins du monde douloureuse.
Et lui ne voulait plus voir personne, hormis elle, il se sentait bien mieux là, entouré de rochers, d’arbres et d’animaux, qui eux ne cherchaient pas à comprendre les autres, en cela respectant bien mieux sa personne. Empli d’une sérénité nouvelle, il ferma de nouveau les paupières, et songea encore une fois à Jusoor, l’imagina à ses côtés. Sa présence lui manquait cruellement, et pourtant la journée lui semblait des plus belle; et le décor qui s’offrait à ses yeux était une véritable évocation du paradis.
Il délia sa ceinture, ses chausses et sa chemise, posa toutes ses affaires sur le tronc abattu, ne gardant que ses braies, et déambula quelques temps autour de l’arbre, sentant la caresse des mousses et des brindilles sous ses pieds, et celle de l’écorce sous sa paume.

Cependant, le nœud qui lui vrillait le ventre lui rappelait la flamme qui l’envahissait au cœur de la bataille, celle qui montait en lui lorsqu’il était dépassé par son entourage, lorsque la colère éclatait et le poussait à se faire souffrir pour l’extraire.

Lui revint en tête du chant de Hervor la sorcière, le plus obscur que lui ai conté Sven :


“M’est à présent envie,
Tuteur, de rendre visite
Aux trépassés,
Richesses ils doivent
Posséder d’abondance.
J’en prendrais possession,
A moins qu’auparavant je ne périsse.

Vous tous qui gisez dans le tertre,
Je brûle de partir
Et m’en aller d’ici.
J’ai failli me croire
Entre vie et Mort
Quand autour de moi
Ardaient les feux.”


Et il se souvint des phrases qui avaient accompagné ce chant, des témoignages, des mises en gardes de son oncle. Des fragments de science ancienne y étaient cachés, il en était à présent convaincu.

Poussé par une conviction qui lui échappait, il partit, à moitié nu, ramasser quelque bois sec aux alentours, et en fit de grands tas. pendant des heures il glana ainsi, jusqu’à ce qu’il ai deux monticules plus hauts que lui. Puis il tourna autour de la souche fraîchement coupée, marcha doucement en traînant ses pieds nus dans les mousses, en fit plusieurs fois le tour, arrachant à la terre du bout du pied tout ce qui s’y trouvait. Il fit deux grands empilements de bois autour du cercle et y mis le feu, puis il ramena les branches du vieux Chêne et en jeta quelques unes dans les flammes.

Le feu se changea vite en brasier en atteignant les feuilles, et bientôt ses deux feux éclairèrent tous les bois alentour, rougissant jusqu’aux plus hautes branches sous le regard de la lune naissante. La chaleur montait, et déjà la sueur perlait à grosses gouttes dans son cou. Kan ôta le vêtement qui lui restait et s’avança entre les flammes pour s’asseoir sur la souche, couteau planté entre les jambes.

Il manquait les tambours, les chants, mais le crépitement régulier du bois encore vert donnaient le rythme, et les sifflements de la sève bouillonnante était pour lui la plus douce des mélopées. S’absorbant en lui même, il tenta d’occulter toute pensée, d’oublier la chaleur des flammes, ne laissant que la douleur qu’elles causaient sur sa peau lui rappeler qu’il était en vie. Douce souffrance, sourd picotement qui devait le mener à la clairvoyance. Il inspira une grande bouffée d’un air aussi chaud que le souffle du dragon et ferma les yeux, se remémorant l’ancien poème :


“Je sais que je pendis
A l’arbre battu des vents
Neufs nuits pleines,
Navré d’une lance
Et donné à Odinn,
Moi-même à moi-même donné,
A cet arbre
Dont nul ne sait
D’où proviennent les racines.

Point de pain ne me remirent
Ni de corne;
Je scrutai en dessous,
Je ramassai les runes,
Hurlant, les ramassai,
De là, retombai.

Neufs chants suprêmes
J’appris du fils
De Bölthorn, père de Besthla,
Et je pus boire
Du précieux hydromel
Puisé dans Odrerir.

Alors je me mis à germer
Et à savoir,
A croître et à prospérer,
De parole à parole
La parole me menait,
D’acte en acte,
L’acte me menait.

Tu découvriras les runes
Et les tables interprétées,
Très importantes tables,
Très puissantes tables,
Que colora le sage suprême
Et que firent les puissances
Et que grava le crieur des dieux.

Odinn parmi les Ases les grava,
Pour les Alfes, ce fut Dainn,
Dvalinn, pour les nains,
Asvidr, pour les géants,
J’en gravai moi-même quelques-unes.

Sais-tu comment il faut tailler?
Sais-tu comment il faut interpréter?
Sais-tu comment il faut teindre?
Sais-tu comment il faut éprouver?
Sais-tu comment il faut demander?
Sais-tu comment il faut sacrifier?
Sais-tu comment il faut offrir?
Sais-tu comment il faut immoler?

Mieux vaut ne pas demander
Que trop sacrifier.
Qu’il y ait toujours récompense pour don.
Mieux vaut ne pas offrir
Que trop immoler.
Voilà ce que Thundr grava
Avant les origines de l’humanité.
Là, il ressuscita
Quand il revint.”


Il le répéta sans cesse, comme un chapelet de prières, s’imprégnant de ses multiples sens et des mises en garde qui les accompagnaient.
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MessageSujet: Re: 17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan   17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan Icon_minitimeMer 17 Juin - 3:11

Au bout d’un long moment, il rouvrit les yeux, rappela sa conscience à lui, sentit la brûlure sur ses bras rougis. et alors, comme Odinn, il hurla, hurla sans discontinuer et tendit son esprit, ramassa les runes.
Fehu, la richesse, le feu de la mer, le chemin du serpent, le loup rôdant dans la forêt, première des runes et début du voyage... Création, potentiel, une énergie jeune et fraîche proche de la flamme et source de discorde. Il hurla de longues heures en retournant en tous sens les mots qui composaient la rune, les énergies qu’on lui liait, jusqu’à en revenir à Jusoor et à l’amour naissant, avant de s’effondrer, sans voix, au pied de la souche.

Il resta un moment allongé, observant le ciel. La nuit était déjà bien avancée, les flammes faiblissaient, et le silence des bois l’envahit. Un bruit lui fit relever la tête, et il vit un éclair de fourrure grise s’éclipser derrière un rocher. Il se releva et alla chercher quelques branches, les jeta au feu avant de se rasseoir sur sa souche.

Reprenant sa transe sous les doux crépitements du chêne, il évoqua la deuxième rune, Urr, l’Auroch, combattant puissant, mais aussi l’ondée, larmes des nuages, adversaire de la fenaison, et haine du berger. Une force tant créatrice que destructrice, force d’où venait sa hargne au combat.
...Avant toute chose, il lui fallait vaincre la bête...
kan se saisit du couteau, et de sa lame marqua ses cuisses de stries sanglantes, invoquant la douleur, cherchant en lui la rage. Hurlant à nouveau, le plus puissamment qu’il put, il fit surgir la haine qui le liait aux champs de bataille, sentant une fois de plus ses sens se troubler pour que seule une colère surnaturelle le guide. Alors il chevaucha le monstre.
Les yeux révulsés, les muscles bandés, il se contraint à ne pas bouger de son perchoir, à maîtriser la part de lui qui voulait se jeter sur tout être vivant à proximité et, lorsque ses bras commencèrent à bouger d’eux-mêmes, il plongea les mains vers les feux, effleurant douloureusement les flammes du bout des doigts.
Quand la douleur fut trop vive, il replia violemment ses bras, se frappant la poitrine des poings pour en extraire le mal. Si violemment qu’il tomba à la renverse, le souffle coupé, et resta là sans bouger, les yeux fixés sur les feuilles s’agitant au vent. Epuisé, il finit par s’endormir ainsi, jambes en l’air et tête dans la mousse.

Il ne fit aucun rêve, jusqu’à ce qu’un croassement régulier le ramène à la vie. La nuit tombait déjà, le corbeau l’observait, campé sur la souche. Il se releva d’un bond et l’animal s’enfuit à tire d’ailes.
Ses bras lui étaient douloureux tant la peau était devenue sensible, et son ventre criait famine, mais la route qui s’étendait devant lui était encore longue...

Sentant sa bouche sèche, il bu une gorgée d’eau avant de se remettre à son œuvre. Avalant le liquide, il se dit un instant qu’il avait totalement perdu l’esprit, et qu’il était heureux pour lui que personne ne s’aventure si loin dans la forêt, sans quoi il n’aurait sans doute pas survécu au procès à suivre. Il eu un frisson en imaginant Jusoor le voyant là, en cet instant, et le fuir comme toute personne sensée le ferait... Mais il chassa l’ombre d’un souffle, ce moment n’appartenait qu’à lui, et seul Oddin et Christos, qui avaient traversé l’épreuve, pouvaient l’accompagner.

Kan ralluma les feux, y jeta quelques branches et, remontant sur son siège, reprit sa route...

Pendant Cinq nuits il se flagella ainsi, sans manger, hurlant et interprétant, ramassant les runes aux pieds de l’arbre. La faim, les privations, la soif, la souffrance, tout cela lui ouvrait les portes d’une nouvelle vision du monde, une vision qui pour l’heure était emplie de flammes et de chimères aux visages torturés. Plus la fatigue le tiraillait, plus sa vision devenait cauchemardesque.
Après la troisième nuit, il vit à nouveau les morts se relever et surgir des arbres pour l’entourer. Il dut attendre l’aube pour oser descendre de son perchoir.
Après la quatrième nuit, l’aube ne vint pas, et il resta ainsi assis, hurlant, cerné de visages oubliés, jusqu’à ce que la lune, pleine, les dissipe. Cette cinquième nuit il mit fin à son chant par Othal, rune des ancêtres et fin du cycle.

Alors que les feux n’étaient plus que braises fumantes, il se réveilla, toujours assis sur la souche, recroquevillé sur lui même dans la clarté du jour. Il se redressa douloureusement et trouva, coincé entre sa main et sa poitrine, une branche du chêne, courte, droite et solide, avec laquelle il s’était manifestement écorché le torse durant la nuit.
Il se jeta sur le sol humide de rosée, et dormit tout le jour. Alors de nouveau les rêves le visitèrent, et ils furent doux et reposants. A son réveil, il se sentit frais et dispos malgré la faim qui lui déchirait les entrailles. Serrant toujours la branche, il se traîna encore une fois vers sa souche, et s’installa dessus après avoir doucement ravivé le feu. De la baguette il frappait le tronc, avec une lente régularité, plongeant à nouveau dans une transe, cette fois sans douleur et sans cris. Sa vision lui jouait des tours, il voyait les arbres et les rochers bouger, entendait le vent réciter des poèmes de marin, et il voyait le loup, assis sagement face à lui, qui le fixait.

Le loup cependant, n’était pas un rêve, et ils se regardèrent de longues heures sans que l’un ou l’autre ne bouge. Seul les coups du bâton sur le bois résonnaient entre les arbres, et parfois le corbeau répondait à l’un d’eux d’un cri sec, mais nul autre créature ne semblait s’approcher du fou qui trônait nu sur sa souche. Kan laissa encore son esprit dériver, il avait répondu comme il le pouvait à toutes les questions dont il connaissait les clés. A présent il voulait savoir plus. Il flottait paisiblement, oubliant toute préoccupation, fixant des yeux le loup, le fixant pendant de longues heures passant au rythme de ses coups sur la souche... jusqu’à ce qu’il se voit par les yeux de la bête...
Kan se leva alors, et courut comme le vent à travers les bois, bondissant par dessus les branches basses, les arbres morts et les rivières, tous les sens aux aguets, jusqu’à atteindre un étang au-dessus duquel était une cabane au toit de chaume au travers duquel s’élevait un grand arbre, qui étendait ses branches haut dans le ciel. S’arrêtant pour étancher sa soif à l’étang, il vit sur l’autre bord le forestier qui péchait à la lueur d’une chandelle. Il se dirigea vers lui et s’allongea à ses côtés. Celui-ci, sans un regard, dit:


“Beh alors ! Si je m’attendais, en sortant ma perche et mon hameçon, à ram’ner si grosse bête!”

Puis, riant, il plongea la main dans son panier et en sortit une carpe qu’il jeta au loup. Kan y planta ses crocs, déchirant la peaux visqueuse pour engloutir la chair.

Puis il se réveilla, recroquevillé au pied de sa souche, tremblant de froid. Il resta ainsi jusqu’à ce que les rayons du soleil aient suffisamment réchauffé ses chairs; alors il se leva, enfila ses braies,et sortit de sa besace deux pains qu’il mangea goulûment.
Enfin rassasié, il resta un long moment assis contre le vieux chêne que toute vie avait finalement quitté, et il inspecta son corps qu’il avait tant fait souffrir. La peau de ses bras était un peu rosie, le poil ras, encore qu’on y voyait pas une grande différence. Quand à ses cuisses elles étaient couvertes de fines striures de sang séché, mais nul mal ne semblait s’y être logé, les traces disparaîtraient au plus vite, comme les griffures sur sa poitrine.
Kan reposa sa tête contre l’arbre, se dit, un sourire aux lèvres qu’il avait vraiment atteint les sommets de la folie... Et pourtant il souhaitait croire à sa transe, croire à sa métamorphose et à ce qu’il avait vu; il croyait Sven quand il était petit et voulait toujours croire en sa parole, d’autant plus maintenant qu’il en avait décrypté les symboles les plus obscurs. Quand à la bête qui était en lui, il ne savait si elle avait fui, mais ne sentait plus sa présence, tout n’était que calme et sérénité en son sein, il ne lui manquait plus que l’autre moitié de son cœur pour qu’il se mette à nouveau à Battre; mais pouvait-il se présenter à Jusoor dans cet état? Qu’allait-il lui dire, qu’il était parti dans les bois pour accomplir un rituel païen visant à rencontrer le très-haut et faire parler les morts?
D’ailleurs, il n’avait pas encore réussi, mais était trop fatigué pour continuer, l’initiation l’avait porté bien trop près de la mort.

Il alla vers la rivière, s’y baigna et lava ses vêtements, puis s’étendit au soleil en pensant à l’avenir, car désormais il pouvait le comprendre, en voir des bribes dans le mouvement des nuages ou des feuilles dérivant sur l’onde, car désormais il était Vitki, Fjölnir, Oski et Kan. Mais de tous ces noms c’est ce dernier qu’il voulait entendre, et avec lequel il voulait bâtir.

Ce n’est que le lendemain qu’il reprit la route, une fois reposé, son visage ayant repris quelques couleurs. Il avait retrouvé sa gaieté, sa force était plus vive encore qu’avant son voyage, et son âme sûre de son chemin. Il marcha vers là d’où il était venu, la hâte au cœur, brûlant de retrouver Ju. Et qu’allait-il lui dire, donc? Retraite spirituelle?
Oui, après tout, ce ne serait pas un mensonge, c’est bien ainsi qu’il désignait son acte, et les détails de ses prières ne regardaient que lui et le tout-puissant...
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MessageSujet: Re: 17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan   17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan Icon_minitimeDim 21 Juin - 12:36

Ju avait quitté les tavernes et ses amis le coeur lourd. Une foutue retraite... un foutu coup de froid... une fontaine qu'elle aurait raté pour rien au monde... et une robe, peut-être pas jolie mais amusante, à subtiliser chez les nonettes. Elle passait sous le tilleul à la sortie de SA lorsqu'elle réussit à sourire à cette idée.

Arrivée là-bas, elle avait été menée à une cellule triste,
"pouvait-il en être autrement ?" se demandait-elle. La nonette gradée qui la menait avait les yeux, le teint et un pas sourire tout aussi triste. Quand la soeur eut fermé la porte derrière elle, Ju jeta sa besace en travers de la petite pièce meublée d'une pauvre paillasse, d'une table et une chaise à la paille usée. Et après la besace, c'est elle qui se jeta en travers de la pièce pas grande pour s'affaler sur le lit.
AIE ! Elle pique c'te paillasse ! laissa échapper l'effrontée. Elle se redressa vivement et tournant en rond dans la cellule décida de s'arrêter devant la meurtrière qui servait de fenêtre. Là elle regarda les jardins qui s'étalaient devant elle, les toits de SA un peu plus loin, et il lui sembla alors que son coeur pesait autant qu'un de ces gros cailloux qui ne tiendrait jamais dans sa poche, ni même dans sa besace.

Les jours s'écoulèrent, identiques les uns aux autres, et ils lui semblaient de plus en longs et insoutenables. Levée aux aurores par des chants pas si disgracieux que cela, elles avaient au moins ce mérite les nonettes, Ju prenait un petit déjeuner avec en fond sonore les cliquetis de vaisselle et la lecture du bouquin d'Aristote. Elle se serait bien passé de cela, mais c'était sans doute le seul moment de la journée où elle entendait voix humaine... Ensuite on lui remettait rateau, bêche ou tout autre objet jardinier dans les mains, et la voila partie aux champs jusqu'au soir.
Parfois, entre les hautes herbes, elle profitait de l'éloignement d'un de ces sinistres oiseaux de Dieu pour s'allonger et se perdre dans la contemplation du ciel resplendissant au-dessus d'elle. Elle ne le voyait pas vraiment à vrai dire, elle n'y voyait que le soleil et ne pensait qu'à Kan. Oui leur soleil avait bel et bien fini sa course. Il en était fait d'eux, il était désormais impensable d'oser espérer les dissoudre. Que deviendrait-elle sans lui ? il était un peu elle, et elle était un peu lui. Elle se trouvait entière maintenant qu'ils étaient un tout.

Rares étaient les fugues qu'elle se permettait et elles n'avaient qu'un seul but. Retrouver son soleil. Lorsque l'un des cerbères tournait le dos, Ju tournait les talons silencieusement d'abord, comme un chat, puis suffisamment éloignée, elle partait dans une course folle et sautait par-dessus le muret. Elle courait traversant forêt et champs. Ces rayons de soleil sur sa peau qui l'affranchissaient et ce vent sur ces joues, emmêlé également dans ses cheveux, la faisait rire aux éclats. Et c'est haletante qu'elle arrivait en ville et elle n'avait qu'une envie, trouver Kan et se jetter dans les seuls bras qu'elle acceptait et qui l'acceptaient. Ce qui était arrivé à chaque fois.
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MessageSujet: Re: 17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan   17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan Icon_minitimeMar 23 Juin - 14:46

Aujourd'hui le soleil était moins resplendissant, moins brillant, moins heureux, ou bien c'était son Désarroi à elle qui lui faisait dire ça. Il était revenu son compagnon des heures sombres, toujours aussi sinistre et en permanence à ses cotés. Elle l'avait pressenti, trop souvent, elle s'en était ouverte à Kan qui avait voulu la persuader du contraire... Les dernières visites avaient été douloureuses, Seisan, Khal... et aujourd'hui son soleil. Le fait est qu'à l'instant, elle ne pouvait tourner la tête sans apercevoir le désarroi qui faisait sa compagnie alors que Kan lui, n'était plus là.

Comme d'habitude elle était rentrée en courant de chez les nonettes, quasi guérie et sa robe dans sa besace. Elle avait parcouru la ville, visité les tavernes, et meme les champs alentours. Pas de Kan. A mesure que la journée s'écoulait, son coeur s'empesait. Elle avait été à l'auberge aussi où sa chambre cotoyait la sienne, elle avait interrogé le tavernier qui ne lui avait répondu que par monosyllabes. Oui le messire à la chemise cyan avait pris ses affaires, oui il s'était acquitté de son dû en jetant une poignée de mitraille sur le comptoir.

Elle regarda le tavernier douloureusement, se rendait-il seulement compte de la façon dont ses mots faisaient tressaillir son coeur ?

Elle ne put en savoir davantage, dans quelle direction il était parti ou s'il était accompagné... quitte à ce qu'il s'en aille elle aurait préféré que ce soit avec la rouquine et le malpoli...
Ju se mordit les joues et sortit en claquant la porte de la taverne.

Elle trainait des pieds la petite en passant sous ce même tilleul qui bordait la ville. Elle était abasourdie, ne savait quoi penser, ne savait même concevoir une réflexion cohérente. Elle prit une grande inspiration en se dirigeant vers la forêt avec l'envie d'y pénétrer et de le chercher là... une envie soudaine et irréfléchie, sans raison...
Stoppée par les grands arbres qui devaient la trouver ridicule elle vit clair l'espace d'une minute.


*Il n'est plus là... à quoi bon vouloir savoir pourquoi ? ravale, serre tes poings p'tite et vavoir si ile ciel est plus bleu ailleurs...*

C'est ainsi que Ju tourna le dos à la forêt et prit la route de Loches, était-ce bien celle-là vraiment ?
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MessageSujet: Re: 17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan   17 Juin 1457, retraite spirituelle à St Aignan Icon_minitimeMer 24 Juin - 1:59

Lorsqu'il reconnut enfin la l'arbre sur lequel il avait vu le corbeau avant de pénétrer les bois et derrière lui le champs par lequel il était entré dans la forêt, il se mit à courir, le cœur bondissant, pour rejoindre au plus vite St Aignan dans l'espoir d'y retrouver Jusoor...
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